Les critiques d'Hugues Dayez
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Par Hugues Dayez
- La Première
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Dans "A perdre la raison", le cinéaste belge s’inspirait de l’affaire des infanticides commis par Geneviève Lhermitte et offrait un rôle inoubliable à Emilie Dequenne. Pour son 10e long-métrage, "Un silence", Lafosse s’est replongé dans le scandale de l’affaire Hissel.
Un silence, avec Daniel Auteuil ©KRIS DEWITTE
Un silence
Souvenez-vous: Victor Hissel, avocat à deux visages. Côté face, le défenseur des parents de Julie et Mélissa, grand pourfendeur des couacs de la justice et promoteur de la marche blanche. Côté pile: un homme qui sera ensuite condamné pour détention d’images à caractère pédopornographique, et agressé par son propre fils…
Joachim Lafosse ne cache pas avoir choisi ce point de départ pour élaborer le scénario d’"Un silence". Ce faisant, il évacue d’emblée la notion de suspense; ce qui l’intéresse, c’est d’observer au scalpel la famille de l’avocat – rebaptisé Maître Schaar dans son film, et vivant dans une ville de province française (Metz, en l’occurrence). – Il se concentre plus particulièrement sur Astrid, son épouse, avec la question fondamentale, qui irrigue tout le film: comment ça se fabrique, un silence? Comment Astrid a-t-elle fermé les yeux si longtemps sur le comportement de son époux?
Au début du film, cette femme est plongée en plein désarroi: elle subit un interrogatoire, sa maison a été perquisitionnée, son fils Raphaël a eu un geste criminel… Après ce démarrage tambour battant, Lafosse revient en arrière, dresse le portrait d’un avocat très médiatique, qui défend des parents victimes de crimes pédophiles, mais qui lui-même est harcelé par la presse et dont les moindres faits et gestes sont épiés par la police. En pleine tourmente, Astrid fait tout pour sauvegarder les apparences – mais jusque quand va-t-elle pouvoir tenir?
Emmanuelle Devos, dans un rôle complexe, est éblouissante de justesse et de profondeur. Quant à Daniel Auteuil, il a eu le courage d’endosser un rôle évidemment peu séduisant, mais il trouve la tonalité exacte du personnage. Quant à la mise en scène de Joachim Lafosse, elle a été rarement aussi inspirée pour donner l’impression au spectateur de s’immiscer en douce dans les terribles secrets de cette famille bourgeoise qui vole en éclats. "Un silence" est sans doute son meilleur film.
May December
Dans le langage courant, "May December" désigne une relation de couple où il y a une grande différence d’âge entre les deux partenaires. Il y a vingt ans, Gracie (Julianne Moore), une femme largement trentenaire, a créé le scandale dans son patelin pour avoir vécu une relation passionnelle avec un adolescent, Charles. Après avoir purgé une peine de prison pour détournement de mineur, Gracie s’est installée en couple avec le jeune garçon. Aujourd’hui, une grande actrice hollywoodienne, Elizabeth (Natalie Portman) s’apprête à incarner Gracie dans un film en préparation. Pour mieux appréhender son rôle, la star décide de rencontrer cette femme, qui est restée vivre avec Charles dans la petite ville où tout est arrivé. Elizabeth veut rassurer Gracie: elle ne va pas trahir son histoire d’amour… Mais son irruption va inévitablement remuer tous les protagonistes de l’affaire.
Todd Haynes, cinéaste très inspiré pour filmer les personnages féminins ("Carol", "Far from heaven"), orchestre avec tact et brio le face-à-face de Natalie Portman et Julianne Moore. Mais si le duo d’actrices excelle, le scénario du film (librement inspiré d’un fait divers retentissant aux USA) semble tâtonner pour trouver un troisième acte qui porterait à incandescence toutes ses prémisses. Autre bémol: la partition musicale, trop envahissante et carrément décalquée sur une partition célèbre de Michel Legrand (pour un chef-d’œuvre de1971, "Le messager" de Joseph Losey). Curieux – et dérangeant – procédé que d’emprunter l’intégralité d’une B.O pour la plaquer sur un autre film.
King’s Land
Danemark, 1755. Un ancien militaire, le capitaine Ludvig Kahlen veut tenter l’impossible: cultiver les terres arides du Jutland, y créer une ferme pour ensuite implanter une colonie au nom du roi, et devenir par cet exploit membre de l’aristocratie. Kahlen parvient à décrocher officiellement cette mission royale, et, avec ses maigres économies, essaye de se constituer une petite équipe. Il ne tarde pas à déclencher la colère d’un seigneur de la région, qui entend bien étouffer son projet dans l’œuf. Commence alors une impitoyable partie de bras de fer entre les deux hommes.
"King’s land", signé Nikolaj Arcel ("A royal affair") reprend – et assume – dans ce film historique tous les codes du western. Mais "King’s land", c’est surtout du grand, de l’enthousiasmant cinéma populaire. L’ampleur des paysages désertiques. L’acuité de la direction photo. Et surtout, la silhouette taciturne de Mads Mikkelsen (Kahlen), impérial et charismatique comme à l’accoutumée: à l’instar d’un Clint Eastwood dans les films de Leone, l’acteur danois n’a pas besoin de prononcer la moindre réplique pour irradier ici à l’écran. Certes, le scénario de "King’s land" s’appuie sur des rebondissements assez classiques, mais quel plaisir de vrai cinéma sur grand écran!
Un coup de dés
Mathieu (Yvan Attal) a toujours vécu dans l’ombre de son vieil ami Vincent (Guillaume Canet). Avec leurs épouses, ils forment un quatuor inséparable. Mais lorsque Mathieu voit soudain Vincent tromper sa femme, il est pris dans un conflit de loyauté. Sa situation va carrément devenir intenable quand il va tomber lui-même amoureux de la maîtresse de son ami…
Réalisateur aussi éclectique qu’inégal, Yvan Attal s’essaie cette fois au thriller, en s’appuyant sur un scénario original. Hélas, n’est pas Patricia Highsmith qui veut, et ce "Coup de dés" est d’une indigence rare. Attal mène son film au pas de charge, il installe ses personnages trop rapidement pour qu’on ait le temps de s’y attacher, et enchaîne ensuite les clichés dramatiques sans le moindre complexe. Une voix off est censée donner un peu d’épaisseur à cet imbroglio de trahisons, mais rien n’y fait: le résultat est pitoyable, même pas digne de rivaliser avec certains polars de série B diffusés à la chaîne sur certaines plateformes de streaming.
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